La question de l’abstration dans les théories queer/féministes
Tout a débuté par un désir et ce qui m’apparaissait comme une nécessité: tenter une relecture queer et féministe de l’abstraction. “Elspeth Probyn considère le terme “désir” comme essentiel pour une analyse de la culture queer et propose un concept du “désir comme méthode” qui permettrait la création d’une mise en rapport ne pouvant être reliée à aucun modèle d’identité.” Je ne cherche pas à représenter des sujets selon les frontières établies, puis l’abstraction et les théories queer sont ce qui me permet d’aller au-delà de la représentation. Elles produisent un écart et c’est cet écart qui m’intéresse dans la réception des spectatrices. Un écart où la subjectivité, les expériences et l’imagination de la spetatrice peuvent ressurgir. C’est donc par la trace de mon corps et celui de personnes féminsites de mon entourage que j’ai choisi de faire référence au corps. Les théories queer, tout comme l’abstraction, s’émancipent des frontières établies à mon sens. C’est en ce sens que j’ai voulu les associer, parce qu’elles ont une racine commune à mon sens. Pour Renate Lorenz, sa “thèse est que le “drag abstrait” non seulement coupe certains liens, mais permet aussi à une incarnation queer d’apparaître en lieu et place des conventions qui régissent la représentation des corps humains, et, ce faisant, il propose de nouveaux liens aux corps.”.
La tentavite d’une relecture queer/féministe de l’abstraction a débuté par l’idée du corps. Mais comment faire référence au corps de manière abstraite? J’ai débuté avec des expérimentations autour de l’empreinte de mon corps, pour ensuite me rendre compte que ce qui m’intéresse n’est pas nécessairement mon propre corps, mais l’empreinte en soi, comme trace abstraite. Que ce soit pour son affect que son esthétique, l’empreinte m’est rapidement apparu comme une voie d’exploration. J’ai effectué une collecte d’empreintes auprès d’amies féministes, pour tenter d’étudier la tension entre le corps queer/féministe et l’abstraction, puisque cette piste me m’apparaissait féconde pour l’hybridité de ces deux concepts. Ces amies qui se sont prêtées au jeu de la collecte me posaient quelques questions, tout en me faisant confiance. L’empreinte est du commun au poste de police en cas de dossier criminel, mais qu’en est-il d’une collecte “artistique”? Relève-t’elle de la trace sous forme de mémoire? D’un romantisme? Ma réponse est qu’elle agit comme un monument; elle agit comme fabulation. “Il est vrai que toute oeuvre d’art est un monument, mais le monument n’est pas ici ce qui commémore un passé, c’est un bloc de sensations présentes qui ne doivent qu’à elles-mêmes leur propre conservation, et donnent à l’évènement le composé qui le célèbre. L’acte du monument n’est pas la mémoire, mais la fabulation.” La fabulation, selon Deleuze, “n’a rien à voir avec un souvenir même amplifié, ni un fantasme. En fait, l’artiste (…) déborde les états perceptifs et les passages affectifs du vécu.”. Cette fabulation serait liée à une expérience, à un vécu. L’empreinte de mes amies, liées à mon expérience des discussions et de nos présences ce jour-là m’évoquent un état affectif. Pour la personne qui regarde, ces oeuvres peuvent renvoyer à leurs propres expériences et à un affect par des éléments vécus. Comment agit l’empreinte, archétype depuis le début de l’humanité, sur nous? De quel type d’affect opère l’empreinte?
Les modelages créer dans ces oeuvres se retrouvent sur un spectre du genre puisqu’on ne peut pas les caratériser de “féminins” ou “masculin”. Les frontières se retrouvent brouillées autour genre, mais aussi au niveau de la lisibilité. Nous pouvons croire de l’image (fig.1), lorsque vue de loin, consiste en deux taches, au premier regard. En s’approchant, la complexité du détail et du mystère se relève. Une esthétique du soin, du détail, du miniature se dégage de ce présent travail. Pour cette tentavite d’une relecture queer et féministe de l’abstraction, j’ai exploré la théorie du “drag abstrait” selon Renate Lorenz via l’agencement selon Deleuze. La méthode qu’énonce Lorenz, le “drag” rend apparent des modes d’assemblages, “des connections productives entre le naturel et l’artificiel, l’animé et l’inanimé, tout ce qui permet de produire des connections aux autres et aux choses plutôt que de les représenter ». L’agencement selon Deleuze serait politique, tout en étant la combinaison ou l’union de deux choses. Dans mon présent travail, la combinaison d’un corps politique, queer, féministe et du matériau esthétique est cette combinaison. Dans cet exercice, je tend à vouloir me dégager de la représentation, d’aller plutôt vers l’abstraction par l’agencement de modelages liés au corps. Mes oeuvres en plus d’être des agencements par leur contenu, elles font acte d’agencement entre elles par leurs médiums différents. Dans cette série, je prend une position assumée où je me dégage de l’idée de série unifiée, pour le bien-être de l’exploration. Tout commence par l’action de mon corps, pour terminer par un agencement. Si je ne ne maîtrise pas encore complètement ces théories, cette session-ci m’a permi d’élargir mes références théoriques et de poser des bases autour de mon futur sujet de recherche pour le mémoire. Mes oeuvres, à échelle du corps, explorent donc la question de l’agencement sous une lunette féministe et queer via l’asbraction. Par des modelages du corps, une empreinte, une texture est prélevée du corps à la matière. Agissant comme une trace, une mémoire, la théorie de drag abstrait soulevée par Renate Lorenz dans son livre Art queer est présente. Mes lectures en cours autour des théories queer, des écoféminismes et de la philosophie m’ont amené à des réflexions sur l’affect, la mémoire, la trace pour la création de cette série.
*L’emploi du féminin inclus le masculin.
LORENZ, Renate, Art queer, éditions B-42, Paris, 197 pages.
DELEUZE Gilles et Félix,GUATTARI. Qu’est-ce que la philosophie? Lonrai (France), Les éditions de Munuit, 2014,p.167.